Préambule : Le lecteur ne trouvera pas ici de circuits balisés, d’itinéraires prémâchés : il s’agit plutôt d’évoquer la géographie amoureuse, la toponymie musicale et l’émerveillement devant les forces telluriques de l’Arrée aux détours de mille routes habitée de mille villages aux mille histoires.
La Bretagne, pour les visiteurs d’un jour, ceux qui ne font que passer, n’a que des limites inaltérables qui parachèvent la fonction d’infranchissables barrières d’écume océanique. La singularité de l’Armorique, pour ceux qui prennent le temps de venir, se noue ailleurs, dans la conjonction de l’océan, de la forêt et des montagnes.
Samedi, le ciel était bas sur la tourbière du Yeun Elez devant Brénilis. Les échines de roc, les bruyères, et les sentiers caillouteux dégoulinaient d’une pluie incessante depuis le Mont-St-Michel de Braspart. Dans un mélange d’attirance et d’effroi, les plus motivés sont allés rouler en début d’après-midi autour du Lac St Michel ou, à pied, gravir la Montagne St Michel sous la pluie et dans le vent. Chaque pierre, chaque calvaire, chaque maison, chaque édifice religieux, raconte une histoire où s’entremêle l’art religieux du christianisme et les rites celtiques, à l’image des peuples qui ont mêlé leurs civilisations.
La civilisation "moderne" a rattrapé ce lieu de légende puisqu’en 1962, le Commissariat à l'énergie atomique entame la construction d’un réacteur nucléaire expérimental. Le choix du site visait alors faire sortir la Bretagne du désert économique…
Dimanche, la météo, redevenue clémente nous a offert un ciel dégagé, un grand soleil et de l’air frais sur l’échine de schistes des Monts d’Arrée. Nous avons quitté le chaos granitique d’où sourd la « rivière d’argent » sous le Yeun Elez, pour rejoindre la Forêt du Cranou par St Rivoal. La route serpente dans la montagne. Abstraction faite de l’altitude, nous sommes bien au cœur d’une montagne avec ses ripisylves, le bois coupé et rangé sur le bord de la route. Les virages, les franchissements des vallons en épingle à cheveu, la brume au ras des pâturages, tout vous rappelle qu’il y a 2 milliards d’années, une chaîne de montagnes se dressait ici.
En chemin, deux panoramas grandioses nous attendaient sur l’horizon dégagé. Tout d’abord, Ty Jopig à Pont de Buis les Quimerc’h. Ici, depuis la table d’orientation, la vue est grandiose sur la Rade Brest. Le talweg, orienté à l’ouest jusqu’à la mer, nous ramène à ce lien indéfectible de l’Armor et de l’Argoat quand la Terre plonge dans la Mer. Enfin, sur les hauteurs de la vallée de l’Aulne, juste avant le pont Térenez : Le belvédère de Rosnoën. La vue sur la boucle de l’Aulne nous fait dire que nous avons aussi "notre boucle", à l’instar de la boucle de La Queille en Auvergne au cœur de d’un massif central, lui aussi datant de l’ère Hercynienne. A ces balcons, sur ces promontoires cisaillés, se concentrent tous les mystères de la géologie qui, éruption après éruption, érosion après érosion forgent les paysages et les peuples.
Plus prosaïquement, nous avons passé un excellent weekend à Roc’h Gwell Yann dans les Troglogites. Autour d’un délicieux rougail saucisse le vendredi soir et d’un Kig ha Farz le samedi, accompagné de quelques spécialités régionales réalisées par les participant(e)s. Nous avons pu refaire le monde à l’apéro et poursuivre autour de la table de Banquet dressée dans le « Grand » troglogîte. L’assemblée générale qui s’y est déroulé samedi matin, pendant que la tempête soufflait au dehors, nous a permis, notamment, de poser les bases d’un calendrier 2024 déjà bien étoffé. L’amitié au sein du collectif a fait le reste pour alimenter notre banque de souvenirs de moments simples et heureux comme on les aime avec V7 & Cætera.